Par Jacques Drillon
rencontres Г©rotiques que les rapports des consommateurs
Valerie Trierweiler, a l’epoque ou elle dedicacait «Francois Hollande president», un livre de photos (ici a la foire de Brive, fin 2012). (©NOSSANT/SIPA)
Ce livre n’est jamais qu’une affaire, excellente concernant l’auteur, son editeur et le agent litteraire, mauvaise concernant Francois Hollande; c’est aussi un livre, fera de phrases francaises. Valerie Trierweiler est d’ailleurs critique litteraire «En quoi claque que j’ecrive dans des romans peut gener quelqu’un?» se demande-t-elle.
En rien, en que dalle. Neanmoins, on deplore que votre ouvrage ne soit gui?re un fac-simile de manuscrit: il y aurait eu surement des petits ronds i propos des i, a la place des points. Car Trierweiler ecrit comme une fillette de douze ans, et nullement precoce. Plusieurs phrases a nez retrousse, des phrases a couettes, des phrases pleines de taches de rousseur. Mais attention, pleines de petits malheurs, comme dans un journal intime:
(En Inde cette dernii?re roule via des «routes chaotiques», mais jamais cahoteuses du tout.)
Cette petit adolescente («Deux jours prochainement, nous avons une conversation. Dure. Tres dure.» «J’ai les pensees noires, reellement noires.» «Je lui ecris que je l’aime forcement. Je suis en etat de souffrance permanente tant son indifference m’atteint»), une telle petit adolescente devra avoir un peu de en gali?re a ranger sa chambre.
Quelle pagaille, votre livre ! Elle melange le passe lointain, le passe proche, hier, avant-hier, met des flash-back en flash back. Mais elle prend des resolutions, «des le apri?m meme»: i§a met des dates – d’ailleurs oublie. De toute facon tout est au present. C’est simple et de bon gout. Mettre de l’ordre dans ses remarques, c’est bon pour ceux qui n’ont jamais loge a l’Elysee.
«Mon coeur se serre»
Elle a lu de nombreuses livres (qui l’ont sauvee, dit-elle). Elle sait donc qu’il ne va falloir jamais se priver de divers cliches bien sentis, que «mon c?ur se serre», que «les souvenirs affluent» qu’«une vague de nostalgie m’envahit», ainsi, qu’on «se ferme tel une huitre». Qu’il va falloir savoir enchainer des merveilles, ainsi, viser le poetique, sans craindre la surenchere: «Dormir sans rever, sans la douleur qui creuse son sillon, sans la colere qui me ravage, le manque qui me devore.»
Parfois, i§a a une formule qui vous va en direct a l’estomac: «Tout un chacun court partout.» En excellente rebelle, elle prend des libertes avec la syntaxe, quand elle souhaite, ou elle veut (elle fut toute premiere dame, tout ainsi): «Son visage irradie d’un bonheur intense.» Il existe meme un moment ou elle ecrit a l’imparfait. Ca fait l’effet d’une bombe, une bombe qui vous submerge de larmes, comme elle dirait. Parce que c’est atrocement nostalgique:
Je faisais des crepes ou des gaufres le mercredi apres-midi. Nous partions en promenade, c’etait bien l’age des cabanes dans les bois. J’adorais trainer en jardineries a la recherche de nouvelles fleurs a planter. J’aimais tondre et jardiner. J’attendais le retour du printemps et du lilas, et des cerisiers en fleurs avec impatience. J’aimais ca.
(Notez votre « avec impatience», joliment rejete en fin de phrase.)
Mais surtout i§a cultive une concision toute latine :
On appelle ce qui le contrecoup, parait-il. Comme si le coup ne faisait jamais suffisamment mal. Cela en faut votre autre. Un aller et un retour. Deux gifles. L’une dans un sens, l’autre en contresens. A peine le temps de se relever, il faudra supporter votre deuxieme assaut.
On en redemande !
Parfois, rien a faire, on eclate de rire. Elle raconte qu’a un Noel Plusieurs enfants, a l’Elysee, elle invite des petites orphelines et une jeune paralytique en fauteuil.
Je demande a Notre directrice du cabinet du President, Sylvie Hubac, la permission d’acheter six sacs de la creatrice Vanessa Bruno, dont les adolescentes des beaux quartiers raffolent.– Mais c’est cher, prends plutot des imitations, me repond-elle.Comme quoi on va pouvoir avoir fait l’ENA et manquer de bon sens.– Sylvie, c’est impossible ! Nous sommes a l’Elysee, nous ne pouvons pas offrir en contrefacon !
C’est beaucoup plus drole que les sans-dents ! Chaque phrase de une telle histoire reste une merveille.
«J’etais raide dingue de lui»
D’ailleurs on en apprend de splendides. Le role est fondamental, l’a toujours ete: «Juste avant le Congres, j’ai une option Afin de lui, pour nous; j’achete une nouvelle voiture.» Elle a aussi fera courir des dangers a la France:
A votre moment-la, Francois sait bien perdre du temps. Nous sommes complices, il fait rire Afin de un rien. Ou me rend folle quand il a dans la reserve d’essence aussi que nous sommes perdus en rase campagne.
Cela parait qu’il y a une metaphore dans le livre, n’importe qui en parle, tout un chacun la cherche. C’est une pure medisance, puisqu’il y en a deux: «Les teleobjectifs seront des microscopes des sentiments» et «sa force de persuasion reste nucleaire». Mallarme n’a pas lu ca ! Il y aussi une comparaison, mais nous ne l’avons jamais notee, 1 chiasme («J’etais raide dingue de lui. Avec moyen je devenais dingue et raide»), et une citation (Kafka, vers sa fin). Depuis bien dans ce livre.