L’histoire des dames peintres est celle d’un combat – s’imposer dans un champ artistique tres masculin – mais surtout d’une pluralite de combats, dans des societes ou les hommes dominent. Au debut du XVIIe siecle, Artemisia Gentileschi a lutte. Quelle place Afin de votre artiste au sein d’ sa generation ? Quelle place dans l’histoire de l’art ? En 1550, au sein des Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Giorgio Vasari explique que «l’appetit devorant du temps reste simple : non content d’avoir ronge nos ?uvres memes et des temoignages honorifiques d’un large panel d’artistes, il a efface et eteint le nom de tous ceux dont le souvenir avait ete preserve avec nouvelle chose que la piete imperissable des ecrivains». Le nom de tous ceux, mais surtout le nom de celles…
Disparue de l’historiographie
Tombee dans l’oubli des le milieu du XVIIIe siecle, c’est via un evenement fort eloigne de son ?uvre qu’Artemisia Gentileschi revient progressivement sous les feux des projecteurs. En 1876, aux Archives de Rome, les Actes du proces penal intente par le pere Orazio Gentileschi contre le peintre Agostino Tassi seront redecouverts : il s’agit d’un proces Afin de viol, intente contre le collegue et ami, alors qu’Artemisia Gentileschi n’a que dix-sept ans. Notre figure de l’artiste et sa biographie reviennent alors sous les feux des projecteurs, mais au detriment de le ?uvre, qui ne fera l’objet de veritables etudes qu’a partir des annees 1980.
Pour Martine Lacas, commissaire d’exposition independante et enseignante en histoire et theorie de l’art, l’omission d’Artemisia Gentileschi dans l’histoire de l’art s’explique, par exemple, par la description qu’en fait une telle discipline : «S’impose une definition de l’art qui reprend des concepts anciens et attribue l’invention [. ] a l’atmosphi?re. L’esprit reste viril, donc, ces dames, etant reputes etre privees de votre qualite puisqu’elles seront renvoyees a J’ai matiere, paraissent aussi evacuees de cette histoire de l’art.»
Une «peintresse» inscrite dans des heures
Artemisia Gentileschi a pourtant ete une artiste internationalement reconnue au XVIIe siecle, louee pour son ton baroque et dramatique tel Afin de sa personnalite, ambitieuse et extravagante. Appelee a Notre cour de Florence, puis de Rome, de Venise, de Naples mais aussi de Londres, la «peintresse» a su faire sa promotion et garantir le propre succes a une epoque ou les artistes femmes restaient une exception. «Apprendre a devenir peintre, c’est aussi apprendre les strategies de carriere, explique Martine Lacas. On voit que toutes ces artistes [femmes], dont Artemisia Gentileschi a travers la correspondance qu’elle entretient avec les collectionneurs, avec les poetes. la reussite de [ce] metier passe via le reseau relationnel.»
Nous revenons sur le parcours d’Artemisia Gentileschi et Notre posterite de le ?uvre pour examiner les facons dont l’histoire de l’art peut aujourd’hui redonner leur entiere place aux peintresses, sculptrices et poetesses. L’historienne de l’histoire de l’art Michela Passini met en garde contre l’ecueil de chercher des caracteristiques feminines dans l’oeuvre des femmes peintres. «L’historiographie feministe des annees 1970 a voulu mettre c’est parti claque que y n’y a pas de tendances particulierement feminines dans [l’autoportrait], rapporte-t-elle. Ce sont des pratiques d’atelier et d’artistes. Cela reste passionnant pour [les historiens et historiennes de l’art], c’est d’utiliser ces sources visuelles au aussi titre que les sources produites avec des peintres hommes Afin de voir De quelle fai§on les peintres dames arrivent, en s’autorepresentant, a negocier leur position — tres complexe — au coeur du champ artistique.»
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Intervenantes
Martine Lacas reste commissaire d’exposition independante, autrice et enseignante en histoire et theorie de l’art. Elle reste docteure en histoire et theorie de l’art, diplomee de l’Ecole des hautes etudes en sciences sociales. Elle interroge les questions d’la representation picturale, de l’art ainsi que l’elaboration. Elle a ete commissaire de l’exposition Peintres dames, 1780-1830 http://datingmentor.org/fr/muslima-review/. Naissance d’un combat qui s’est tenue de mars a juillet 2021 au Musee du Luxembourg a Paris.
Elle a surtout publie Au fond de la peinture, une poetique de l’arriere plan (Seuil, 2008), Desir et peinture (Seuil, 2011), Rodion Romanovitch Raskolnikov. Portrait of a man (editions Loco, 2014), biographie de Rodion Romanovitch Raskolnikov et catalogue-fiction d’une exposition d’la photographe Sabine Meier au Muma du Havre et Plusieurs femmes peintres. Du XVe a l’aube du XIXe siecle (Seuil, 2015).
Michela Passini est chercheuse au CNRS. Elle bosse sur l’histoire de l’histoire de l’art, l’histoire des musees et du patrimoine. Elle enseigne via ailleurs a l’Ecole du Louvre, ou elle dirige le groupe de recherche de Master 1 Histoire une museologie. Elle a en particulier publie J’ai Fabrique de l’art national. Le nationalisme et les origines de l’histoire de l’art. France et Allemagne, 1870-1933 (editions en Maison des Sciences de l’Homme — Centre allemand d’histoire de l’art, 2012, tire de sa these), l’edition critique d’une Correspondance allemande d’Eugene Muntz (Armand Colin, 2012), L’?il et l’archive. Une histoire de l’histoire de l’art (Notre Decouverte, 2017).